Récit de pratique culturelle

L'enseignement des Sœurs de Saint-Paul de Chartres

Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Gaspé
Communauté religieuse: Soeurs de Saint-Paul de Chartres

Classé sous Organisation religieuse (9200), Mission (9260), Oeuvre (9262).

Historique général


Travail en classe, 1955
© Archives des Soeurs de Saint-Paul de Chartres, soumis à copyright

Fondées autour des figures de l’abbé Louis Chauvet, Marie-Anne de Tilly et Marie Michau, les Sœurs de Saint-Paul de Chartres —appelées à l’origine les Filles de l’École— s’attachent, dès 1696, à répondre aux besoins de la population, particulièrement par l’éducation.

Arrivées en 1930 en Gaspésie, les Sœurs de Saint-Paul de Chartres poursuivent leur mission d’enseignement. Le dynamisme de la fondation canadienne à Sainte-Anne-des-Monts déclenche, d’une part, la préparation des enseignantes et, d’autre part, un mouvement de fondations dans le diocèse de Gaspé. Ainsi, en septembre 1933, les religieuses prennent en charge une première école à Saint-Joachim de Tourelles, paroisse voisine de Sainte-Anne-des-Monts.  Dès lors, elles se consacrent à l’enseignement dans plusieurs écoles en Gaspésie et dans la province de Québec.

En 1937, les Sœurs de Saint-Paul de Chartres se fixent à la paroisse Sainte-Adélaïde de Pabos comme institutrices. Déjà, en août 1938, une « journée pédagogique paulinienne » rassemble à Sainte-Anne-des-Monts une vingtaine de religieuses responsables du fonctionnement des classes et des études personnelles dans la communauté. La même année, les Sœurs de Saint-Paul de Chartres s’établissent à Saint-Majorique, Maria et Mont-Louis, où elles dirigent écoles et couvents-écoles. En 1939, la congrégation pose les assises de son œuvre d’enseignement à Saint-Maurice de l’Échourie et Port-Daniel. La Gaspésie compte désormais une forte présence des Sœurs de Saint-Paul de Chartres dans l’enseignement, les religieuses étant établies au nord, au sud et à l’est. À Sainte-Anne-des-Monts, elles fondent, en 1942, le Pensionnat Saint-Paul, auquel s’ajoutent une École Normale en 1945 et un Institut familial en 1947. L’établissement d’une institution de formation des futures enseignantes apparaît désigné en Gaspésie, une telle formation palliant au manque d’institutrices en région.

Au milieu du XXe siècle, l’effet conjugué de l’essor industriel et de la croissance démographique remplit les écoles, essentiellement gérées par les paroisses et les communautés religieuses. Un nombre important d’écoles rurales et de « petites écoles » animent alors le paysage québécois.  

À l’heure de la Révolution tranquille, l’éducation, alors gérée par le clergé et les communautés religieuses,  passe dans le giron de l’État. Les réformes s’accompagnent notamment d’une restructuration du réseau des commissions scolaires, de la création des polyvalentes et des cégeps, de la création du Ministère de l'éducation du Québec et de la
scolarisation obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans.

Description


Exercice de chants après la classe 1958
© Archives des Soeurs de Saint-Paul de Chartres, soumis à copyright

Avec l’arrivée massive d’enfants sur les bancs d’écoles suite au processus d’urbanisation, à la croissance démographique et l’adoption de la Loi sur la fréquentation scolaire obligatoire, en 1943, les religieuses doivent faire preuve de débrouillardise et assumer une importante charge de travail, faute de ressources financières et d'une pénurie en personnel. Les enseignantes conjuguent également avec les besoins des élèves de niveaux multiples dans une même classe. Effectivement, en 1951, « plus de 70 % des 8 780 établissements scolaires du Québec n’ont qu’une seule classe ». (Paul-André Linteau, René Durocher, Jean-Claude Robert. Histoire du Québec contemporain. Tome 2. Le Québec depuis 1930, Montréal, Boréal, p. 316).

En paroisse, sœur Julie Bernatchez devait par exemple concilier l’enseignement de la 5e à la 9e année auprès d’élèves d’un même groupe, alors que la supérieure du couvent-école enseignait de la 1ère à la 4e année. De 1947 à 1951, sœur Marguerite Dugas enseigne quant à elle dans une paroisse disposant de peu de moyens. L’école ne recevant pas l’électricité, elle doit alimenter quotidiennement un poêle au centre de la classe. On compte alors quatre religieuses dans la paroisse « la supérieure », « la cuisinière », « la sœur des petits » et « la sœur des grands », les deux dernières enseignant respectivement au primaire et au secondaire. Enseignant aux élèves de quatre niveaux, soit de la 6e à la 9e année, sœur Marguerite Dugas se rappelle les dictées données simultanément au groupe. En plus de leur tâche d’enseignante, les religieuses se chargeaient des activités parascolaires, organisaient des séances et visitaient les malades. À Sainte-Adélaïde de Pabos, où elle enseigne à partir de 1951, sœur Marguerite Dugas enseigne à une classe de 42 élèves, de la 7e à la 9e année, en plus de diriger la chorale de l’église, de former les enfants de chœur, d’organiser des séances et de s’occuper de mouvement jeunesse tel la JEC (Jeunesse Étudiante Catholique). Bien que la charge de travail était considérable, Sœur Marguerite Dugas a apprécié ses premières expériences d’enseignement. Elle était motivée et surtout satisfaite de répondre aux besoins du milieu. Également enseignante, sœur Germaine Boudreau participe pour sa part à la formation des institutrices à l’École Normale de Sainte-Anne-des-Monts. Elle y offre un enseignement d’application pendant une quinzaine d’années, enseignant aux enfants du Pensionnat Saint-Paul devant les normaliennes. Ses méthodes d’enseignement étaient observées par les futures enseignantes, puis discutées et analysées.

Puis, les élèves devenant de plus en plus nombreux dans les écoles, les religieuses peuvent désormais limiter l’étendue de l’enseignement à deux ou trois niveaux scolaires. À Saint-Georges-de-Malbaie, sœur Julie Bernatchez enseigne de la 7e à la 9e année, parfois jusqu'à la 10e année. Des enseignantes laïques côtoient dès lors les religieuses, qu’on dénombre à deux ou trois dans chaque école. Afin d’améliorer leur enseignement et s’adapter aux besoins des élèves, les religieuses sont invitées à suivre différents cours et sessions. Au long de sa carrière, sœur Julie Bernatchez parfait ainsi sa formation, complétant des cours offerts à Rimouski par l’Université Laval, ou profitant des vacances estivales afin de suivre des formations avec sœur Marguerite Dugas, à Rimouski, Québec, Chicoutimi. Sœur Julie Bernatchez évoque également l’étude de l’algèbre les samedis avec une religieuse intéressée par les mathématiques.


Sœur Julie Bernatchez, sœur Marguerite Dugas et sœur Germaine Boudreau se disent heureuses et fières de leurs carrières d’enseignantes. La réussite scolaire et la motivation des élèves apparaissaient pour elles comme des sources de satisfaction et de gratification. Ces femmes retiennent les liens significatifs créés avec ceux à qui elles ont enseigné. Sœur Marguerite Dugas correspond d’ailleurs toujours avec d’anciens élèves. L’enseignement a répondu à leurs intérêts et aspirations. Sœur Germaine Boudreau, qui a très tôt manifesté le désir de travailler auprès des jeunes enfants, considère qu’elle a, grâce à son travail, été la « mère de centaines d’enfants ».

Apprentissage et transmission


École et résidence, 1961
© Archives des Soeurs de Saint-Paul de Chartres, soumis à copyright

Les Sœurs de Saint-Paul de Chartres ont transmis davantage que leur enseignement, leur temps, leur dévouement. Elles ont su partager des valeurs telles la simplicité, l’entraide, la générosité, l’importance du travail bien fait, la vaillance. Fidèles à leur charisme et à leur fondation, les Sœurs de Saint-Paul de Chartres se sont attachées à élever le niveau humain et spirituel des élèves qu’elles ont côtoyés.  Pour sœur Marguerite Dugas, il importait de transmettre la joie, la fraternité, le goût d’apprendre. Par son attitude, sœur Germaine Boudreau espère, quant à elle, avoir véhiculé le partage, le pardon, la communication, l’attention à l’autre.

Certaines religieuses ont aussi transmis leur passion pour l’enseignement. Le travail et l’attitude de sœur Germaine Boudreau ont ainsi inspiré sœur Solanges Labrie, religieuse des Sœurs de Saint-Paul de Chartres. À l’exemple de sœur Germaine Boudreau, sœur Solanges Labrie s’est consacré à l’enseignement pendant plusieurs années. Depuis 1988, elle s’attache à offrir aux enfants des activités et ateliers participant à la création de liens significatifs. Elle travaille aujourd’hui activement auprès d’Enfantaisie, participant à l’actualisation et la transmission de l’œuvre d’enseignement des Sœurs de Saint-Paul de Chartres.

Localisation

Municipalité: Sainte-Anne-des-Monts
Région administrative: 11 Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine
Lieu: Maison provinciale des Soeurs de Saint-Paul de Chartres (Notre-Dame-de-la-Paix), 255, rue du Domaine-Saint-Paul, Saint-Anne-des-Monts, G4V 2G3
Téléphone: 418-763-2231
Site Web: http://www.stpaulrome.com/fr-canada.html

Source

Sœur Julie Bernatchez, sœur Marguerite Dugas et sœur Germaine Boudreau
Lien avec la pratique : Sœur Julie Bernatchez a enseigné plus d’une trentaine d’années, au primaire et au secondaire, à Sainte-Adélaïde de Pabos, Maria, Port-Daniel, Saint-Georges de Malbaie, Sept-Îles et Sainte-Anne-des-Monts. Elle a également occupé le poste d’assistante directrice dans une école primaire à Gaspé. Sœur Marguerite Dugas a notamment enseigné au Pensionnat Saint-Paul de Sainte-Anne-des-Monts et à Sainte-Adélaïde de Pabos avant de diriger une école bilingue à Saint-Majorique, près de Gaspé. Elle a aussi enseigné l’anglais et la catéchèse à la polyvalente de Mont-Louis, en plus d’offrir des cours particuliers de français, d’anglais et des cours de préparation aux sacrements. Aujourd’hui âgée de 86 ans, elle enseigne toujours, veillant à l’apprentissage du français auprès des novices vietnamiennes de la communauté, à Sainte-Anne-des-Monts. Après une quinzaine d’années d’enseignement d’application au Pensionnat Saint-Paul de Sainte-Anne-des-Monts, sœur Germaine Boudreau a principalement travaillé à l’organisation et la supervision des écoles maternelles en Côte-Nord, à Sept-Îles et Aguanish. Elle a également enseigné le français aux Montagnais de la Côte-Nord.

Enquêteurs : Marjolaine Boutin, Valérie Vachon-Bellavance
Date d'entrevue : 25 janvier 2012, 26 janvier 2012


Partenaires

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