Récit de pratique culturelle
Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Montréal
Communauté religieuse: Soeurs de Sainte-Anne
Classé sous Organisation religieuse (9200), Communauté (9240), Pratique technique et artistique (9245).
Album de photos des Soeurs de Sainte-Anne
© IPIR 2011, soumis à copyright
Fondée en 1850, la Congrégation des Sœurs de Sainte-Anne s’initie à la photographie dès les années 1880. Bien qu’un groupe de quatre religieuses partant pour Victoria (Colombie-Britannique) exprime le désir, en 1858, d’envoyer des photos à la famille, la Congrégation n’est pas autorisée par monseigneur Ignace Bourget à répondre à une telle demande. Son successeur au diocèse de Montréal, monseigneur Édouard-Charles Fabre, autorise quant à lui les Sœurs de Sainte-Anne à réaliser des photos, mais uniquement dans de grandes circonstances ou dans un atelier de photographie. Dès lors, l’abbé Therrien, vicaire de Lachine, offre aux religieuses quelques cours de photographie. Les essais et résultats n’étant pas concluants, les religieuses relèguent au grenier l’appareil photo.
Un carnet « How to make photographs » de la Scovill Manufacturing Co., une entreprise américaine dédiée à la photographie, apparaît comme le premier document sur la photographie chez les Sœurs de Sainte-Anne. En date du 10 février 1884, une religieuse adresse à ses consœurs « la suite des opérations à faire pour prendre une photographie », de la mise au point au développement. Le document dresse aussi une liste descriptive des produits à utiliser lors des bains chimiques. Une facture atteste aussi de l’achat, en 1884, de matériel tels des lentilles, des produits chimiques, du papier gradué et du filtre à papier au coût de 268$.
En 1900, à l’occasion du cinquantième anniversaire de fondation de la Congrégation, sœur Marie-Hélène-de-la-Croix, alors responsable du studio de photographie, envisage la création d’un album présentant les photos de chaque religieuse ayant fait profession chez les Sœurs de Sainte-Anne. Bien que certaines soient réticentes à la prise de leur portrait, des photos sont réalisées des 800 sœurs toujours vivantes en 1900. Après des demandes auprès des familles des religieuses décédées et des curés, on obtient des photos de la plupart des 290 disparues, portant le costume religieux ou « en jeune fille ». Ces dernières photos sont ensuite retouchées afin d’habiller la religieuse de la coiffe et du costume. Puis, en 1903, la supérieure de l’Académie Sainte-Anne offre un appareil photo aux religieuses, leur permettant de prendre des clichés de meilleure qualité. Suite à la construction de la maison mère à Lachine en 1909 et à la demande de sœur Marie-Hélène-de-la-Croix, un espace est consacré au studio de photographie à la maison mère.
Toujours intéressées par la photographie, les sœurs de Sainte-Anne reçoivent, en 1910, les encouragements d’un évêque en visite les invitant à parfaire leur formation en arts par l’étude de cartes postales. Utilisées comme photographies de référence pour l’étude de l’architecture, de la sculpture ou de la peinture, les cartes postales inspirent également les religieuses lors de la création de tableaux. En 1969, au décès de sœur Marie-Louis Gustave, responsable de la collection des cartes postales, la collection comptait 41 000 cartes postales, 19 albums illustrés de reproductions en couleur des grands maîtres et 34 000 documents relatifs à l’architecture et à la sculpture.
Ainsi, depuis les années 1880, les Sœurs de Sainte-Anne manifestent un intérêt pour la photographie, par la prise de photo en studio et la création d’albums, mais aussi par le collectionnement de cartes postales. Peu de photos officielles des professions étant prises depuis 1985 conséquemment à la baisse de la relève, sœur Lucille Côté, responsable du studio de photographie des Sœurs de Sainte-Anne, s’est mise à la photographie de document, captant des images de tableaux ou d’œuvres significatives pour la congrégation. À l’ère du numérique, le studio de photographie des Sœurs de Sainte-Anne à la maison mère est aujourd’hui moins sollicité. L’atelier compte toutefois un nombre important d’artefacts témoignant de l’histoire de la photographie au Québec de la fin du XIXe siècle aux environs des années 2000. Il révèle aussi l’intérêt des Sœurs de Sainte-Anne pour le huitième art.
Divers appareils utilisés pour la photographie
© IPIR 2011, soumis à copyright
Les Sœurs de Sainte-Anne se sont d’abord initiées à la photographie au couvent de la Congrégation, boulevard Saint-Joseph à Lachine. Les religieuses avaient accès à une chambre noire de petites dimensions, dépourvue de lumière d’appoint et d’évier. Les photos étaient alors lavées dans une chaudière ou un grand plat. Les sœurs traitaient elles-mêmes le papier photosensible, lui faisant subir une transformation au nitrate d’argent et à l’ammoniac, et préparaient les solutions chimiques servant au tirage photographique. La chambre noire du couvent ne disposant pas de lampe inactinique, les religieuses avaient fait preuve d’ingéniosité, appliquant un verre de couleur rouge dans la fenêtre de la pièce afin de pouvoir voir le développement sur papier.
Dès 1909, les religieuses peuvent bénéficier d’un studio de photographie à la maison mère, davantage adapté aux techniques de l’époque. La chambre noire, de plus grandes dimensions, était fonctionnelle et bien organisée. Suite à la prise des photographies, les religieuses complétaient le processus de tirage, traitant l’image dans trois bains chimiques : le révélateur, le bain d’arrêt, le fixateur. Après le lavage final et le séchage, le cliché passait à l’agrandisseur. Le travail s’effectuant dans l’obscurité, une lampe inactinique éclairait la pièce.
À l’occasion du cinquantième anniversaire de la Congrégation, en 1900, et à l’initiative de sœur Marie-Hélène-de-la-Croix, des albums photos sont créés, présentant la photo de chaque religieuse et les informations pertinentes, soit le nom de religion, le nom civil, la date de naissance, la date d’entrée en communauté et la date de décès. Les photos des religieuses étaient intégrées aux albums au fur et à mesure qu’elles faisaient profession. Les nombreux albums, puisque répertoriant les quelques 3000 sœurs de la Congrégation, sont aujourd’hui bien conservés. Ils apparaissent pour sœur Lucille Côté comme un précieux témoignage de la Congrégation, de sa fondation à aujourd’hui.
Outre à l’occasion de leur profession et des prises de photos officielles illustrant ces albums, les religieuses étaient photographiées lors de leurs vingt-cinq ans de vie religieuse, à la fête de la supérieure générale, à la visite d’un évêque ou lors d’un départ missionnaire. Les photos des supérieures générales étaient agrandies et affichées à la galerie de la maison mère.
Enfin, l’importante collection de cartes postales de la Congrégation témoigne aussi de l’intérêt des religieuses pour la photographie. Ainsi, au début du XXe siècle, la carte postale est utilisée comme un média photographique, qui participe d’ailleurs à la diffusion du médium. Les cartes postales, achetées dans un musée ou au magasin, participaient à la formation des Sœurs de Sainte-Anne, par la découverte de pays ou de lieux touristiques ou par l’étude de photographies illustrant monuments, sculptures ou tableaux. Elles étaient parfois utilisées comme modèles lors de la reproduction d’œuvres. Aujourd’hui, des cartes postales sont exposées à la maison mère ponctuellement, afin d’illustrer une époque ou un thème particulier et rappeler aux religieuses l’importance de la photographie pour la Congrégation.
Carte postale de Rome
© IPIR 2011, soumis à copyright
Aujourd’hui, une technicienne du Centre historique des Sœurs de Sainte-Anne se charge de la prise de photos numériques. Certains événements, tel le chapitre général, sont officialisés par la Congrégation. Les photos sont publiées dans les annales ou diffusées dans le journal de la province. Elles sont envoyées à l’occasion dans les autres maisons de la Congrégation.
Les albums photos et les cartes postales, bien conservés, pourront illustrer l’histoire de la Congrégation, les missions et l’intérêt des Sœurs de Sainte-Anne pour la photographie. Par la création d’albums et le collectionnement, les religieuses voulaient conserver ce qu’elles affectionnaient et en faire profiter les générations suivantes. Selon sœur Lucille Côté, ces archives représentent la mémoire des religieuses, « celle du cœur comme des documents ».
Municipalité: Lachine
Région administrative: 06 Montréal
Lieu:
Maison mère de la Congrégation des Sœurs de Sainte-Anne, 1950, rue Provost, Lachine, H8S 1P7
Téléphone: (514) 637-3783
Site Web: http://www.ssacong.org
Sœur Lucille Côté
Lien avec la pratique : Sœur Lucille Côté est aujourd’hui responsable du service du patrimoine et responsable du studio de photographie des Sœurs de Sainte-Anne depuis 1985. Elle affectionne le huitième art, s’intéressant tant à la prise de photos qu’aux artefacts liés à l’évolution du médium ou relatant l’intérêt de la Congrégation pour la photographie. Elle a réalisé plusieurs diaporamas qu’elle a présentés dans les maisons de la communauté et dans les écoles. Sœur Lucille Côté a complété un cours de photographie à l’Académie des arts et l’a enseigné le temps d’un été aux religieuses de la Congrégation.
Enquêteurs : Francesca Désilets, Anne-Florence Bisson, Valérie Vachon-Bellavance
Date d'entrevue : 30 novembre 2011
La réalisation de l’Inventaire du patrimoine immatériel religieux a été rendue possible grâce à l’appui de six partenaires: