Récit de pratique culturelle

L’éducation des Ursulines de Québec

Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Québec
Communauté religieuse: Ursulines de l'Union canadienne

Classé sous Organisation religieuse (9200), Personnel religieux (9230), Vocation/forme d'élection (9232)
et sous Organisation religieuse (9200), Mission (9260), Oeuvre (9262).

Historique général


Salle d'étude du pensionnat
© Archives du Monastère des Ursulines de Québec, PDQ,0,MQ,1/P003,000,000,016,0192

Angèle Mérici a fondé la Compagnie de Sainte-Ursule en 1535 à Brescia, en Italie. À cette époque, les Ursulines demeuraient dans leurs familles. En un siècle, la compagnie s’est s’agrandie, elle a gagné en popularité et en territoire et elle a fait l’objet de réformes de sorte qu’au 17e siècle, les Ursulines de France étaient cloîtrées, semi-contemplatives et s’employaient à l’éducation des filles à l’intérieur de monastères. 


À l’initiative de Marie de l’Incarnation, les Ursulines partent de France en 1639 dans le but de fonder une école pour filles et de convertir les Amérindiennes au christianisme dans le Nouveau Monde, plus précisément à Québec. En 1641, Marie de l'Incarnation propose aux autres Ursulines de Québec d’ajouter aux trois vœux solennels de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, le vœu d'éducation des filles. En 1681, le Monastère de Québec a été affilié à la Congrégation de Paris et s’est vu dans l’obligation d’accueillir des pensionnaires. Le Séminaire Saint-Joseph accueillait alors des Amérindiennes, des pensionnaires françaises et des élèves externes. Les élèves apprenaient à lire, à écrire et à compter. De 1642 à 1650, il y avait entre 18 et 20 pensionnaires. Puis en 1700, c’était entre 50 et 60 pensionnaires qui logeaient chez les Ursulines. Le nombre de pensionnaires a diminué après la Conquête en 1759. Mais c’est aussi à la suite de cet évènement que les Ursulines ont accueilli des élèves francophones et anglophones, catholiques ou protestantes. 


Malgré le cloître, les Ursulines entretenaient des liens avec l’extérieur. Par exemple, les Jésuites et ensuite les prêtres du Séminaire les tenaient au courant de l’évolution des méthodes d’éducation et des avancées technologiques. En 1844, l’abbé Thomas Maguire (1776-1854), alors aumônier de la communauté, signait avec l’aide de Marie-Louise McLoughlin (Mère Saint-Henri : 1780-1846) le « Règlement des élèves du pensionnat des Dames ursulines de Québec ». Maguire se base sur les Constitutions et Règlements des Ursulines de Paris pour les adapter à l’évolution du rôle de la femme dans la société québécoise et à l’évolution du contexte social en général. Dans les années 1820 et 1830, des cours de musique, d’art et de sciences se donnaient chez les Ursulines. C’est dans la deuxième moitié du 19e siècle que le pensionnat a accueilli le plus grand nombre d’élèves. En 1893, il accueillait 200 élèves. 


Au 20e siècle, l’institution s’est développée en s’adaptant aux changements de la société et aux réformes scolaires du gouvernement. Selon les époques, les Ursulines ont aussi offert différents cours et programmes. En 1857, l’École normale Laval est fondée et logée au Vieux-Monastère. En 1930, elle déménage dans l’actuel bâtiment du Collège Mérici près des Plaines d’Abraham. Le pensionnat des Ursulines de Québec a fermé ses portes en 1967, mais l’école est restée ouverte.

Description


Fête de la nativité de la Vierge Marie
© Archives des Ursulines de Québec

L'approche pédagogique des Ursulines réside notamment dans le fait qu'elles travaillent non seulement à l’instruction des jeunes filles mais aussi à leur éducation. Sœur Prince affirme que, pour les Ursulines, la connaissance et la formation personnelle sont indissociables. Au pensionnat comme à l’École normale de Mérici, les jeunes filles habitaient les lieux, ce qui permettait de répondre au double objectif de l'éducation des Ursulines : allier instruction et formation personnelle. Il était alors important de recréer un esprit de famille au sein de ces institutions. 


Sœur Suzanne Prince a enseigné durant 50 ans, soit de 1943 à 1993, à l’École normale de Mérici, devenue le Collège Mérici en 1970. Dans son approche et son application de la pédagogie, sœur Prince était guidée par les principes d’éducation de sainte Angèle Mérici. L’éducation est un service qui doit répondre à un besoin et chaque personne doit être considérée comme unique. Sœur Prince affirme que l’éducateur est un éveilleur qui doit encourager ses élèves. De plus, il doit leur montrer à se servir des outils mis à leur disposition, et ce, afin qu'ils deviennent autonomes et puissent plus facilement poursuivre des études supérieures. Pour sœur Suzanne Prince, le travail d’éducatrice consistait à favoriser l’avancement des élèves et à les inciter à se dépasser. En ce sens, elle considère qu’elle initiait les élèves. Cette initiation leur permettait de poursuivre leurs études et d’élaborer un plan de carrière. Les Ursulines préparaient leurs cours durant l’été. Les Ursulines qui suivaient des cours à l’Université le faisaient habituellement à temps partiel durant l’année scolaire et à temps complet durant les vacances d’été. Avant 1967, c’est-à-dire avant la réforme de Vatican II qui a amené les Ursulines à abandonner le cloître, elles faisaient venir des professeurs au Monastère. Elles pouvaient aussi suivre des cours universitaires par correspondance ou même aller à l’université. Sœur Prince affirme que le cloître ne devait pas nuire à l’enseignement.


Pour une ursuline enseignant à Mérici, la journée commençait par une méditation d’une demi-heure suivie de la messe et de la récitation de l’office. Le reste de l’avant-midi et de l’après-midi était occupé par des tâches d’enseignement. Sœur Prince a toujours donné des cours d’une heure en se déplaçant de classe en classe. En après-midi, une visite au Saint-Sacrement, une messe et une demi-heure de méditation étaient prévues. L’horaire de la maîtresse de division était adapté une semaine sur deux afin qu’elle puisse être avec les pensionnaires. Comme il y avait deux maîtresses par division, la première et la seconde, elles alternaient la supervision des élèves. Les pensionnaires assistaient à la messe du matin. Les élèves qui faisaient partie de l’association des Enfants de Marie avaient la possibilité d’être initiées à la méditation. À Mérici, les élèves étaient amenées à appliquer leurs connaissances avec des groupes d’élèves d’une école primaire liée à l’institution. Les élèves étaient guidées par les religieuses dans la préparation des cours qu’elles effectuaient la fin de semaine. 


Dans les institutions des Ursulines, il y avait une atmosphère d’éducation. En plus de l’enseignement en classe, qui comprenait notamment le français, l’histoire, l’art culinaire et une initiation aux travaux d’aiguille, les Ursulines veillaient à ce que les pensionnaires aient de bonnes habitudes de comportement. Durant les récréations, les élèves étaient initiées à des activités culturelles comme le théâtre, le cinéma. En ce qui concerne les activités qui permettaient de maintenir un esprit de famille à l’intérieur de l’institution, sœur Prince donne l’exemple de récréations en soirée au cours desquelles les élèves présentaient des numéros ou chantaient. Elle souligne que ces activités étaient très formatrices pour développer le travail d’équipe et les habiletés sociales. Une fois par mois, les élèves organisaient un grand souper à l’occasion duquel elles décoraient le réfectoire. Les élèves s’impliquaient aussi dans des activités comme le journal de l’école, les bazars organisés pour aider les missions ou d’autres organisations comme l’action catholique. Avant le Rapport Parent, les Ursulines donnaient des cours de type conférences et demandaient des travaux. Toutefois, après le rapport, l’étudiante était amenée à effectuer des recherches et à lire pour se préparer à la leçon. À ce moment charnière, sœur Prince était directrice de Mérici. Pour permettre aux étudiantes d’avoir accès à la documentation, elle a fait centraliser la bibliothèque des élèves et celle des religieuses. Cette centralisation a permis la présence d’une bibliothécaire et l’augmentation du nombre de documents répondant aux sujets abordés dans les cours. Sœur Prince affirme que cette transition a été assez difficile à appliquer, car les élèves n’étaient pas habituées à travailler de cette manière. Toutefois, elle croit que cela a facilité leur passage à l’université. En fonction des besoins et des aptitudes des religieuses, les autorités de la communauté nommaient les religieuses dans les différentes institutions et aux différentes tâches d’enseignement. 


L'application du Rapport Parent en 1964 a amené plus de religieuses à poursuivre des études universitaires. Les cours étaient suivis soit par correspondance, l'été, soit à temps plein selon les possibilités de la communauté. Par exemple, sœur Prince a effectué une scolarité par correspondance de l'Université d'Ottawa. Pour compléter son doctorat, elle a dû se rendre à Ottawa durant onze étés et durant deux ans à temps plein. La fermeture du pensionnat en 1967 a laissé plus de temps aux religieuses pour étudier, ce qui était d’ailleurs devenu important depuis l’instauration du Rapport Parent. Dans le but d’avoir une perspective globale de l’état des connaissances, les supérieures de l’époque ont pris la décision de faire étudier les religieuses dans différentes universités et aussi de leur permettre de voyager en Europe. Sœur Prince affirme que cela a beaucoup aidé lorsque l’École normale est devenue le Collège Mérici, car les religieuses étaient prêtes à offrir des options en éducation. Ainsi, les cours de psychologie déjà offerts par les Ursulines ont permis de faciliter l’implantation l’éducation spécialisée. 


En 2007, le primaire comptait environ 400 élèves et son programme pédagogique demeure dans la tradition ursuline. Les Ursulines sont toujours responsables de l’école et siègent au conseil d’administration. De plus, certaines religieuses s’impliquent à différents niveaux. En ce qui concerne le Collège Mérici, la passation à une corporation laïque s’est effectuée sur plusieurs années à la fin des années 1990 et s’est terminée au début des années 2000. Le Collège poursuit aussi dans la tradition ursuline et consulte la communauté au besoin. Jusqu’en 2007, il y a toujours eu des religieuses siégeant au conseil d’administration.

Apprentissage et transmission


Soeur Suzanne Prince
© IPIR 2007, soumis à copyright

Les Ursulines étaient amenées à enseigner dans les diverses institutions de la communauté. À Québec, le pensionnat, qui comprenait différents niveaux et programmes selon les époques, était logé dans le Vieux Monastère. En 1930, en raison d’un manque d’espace, l'École normale qui était alors au Vieux Monastère a été déménagée dans un bâtiment situé sur un terrain appartenant aux Ursulines et qui jouxte les Plaines d’Abraham, elle est alors devenue l’École normale de Mérici. 


Au Québec, avant 1967, l’éducation par les Ursulines des jeunes filles pensionnaires avait lieu dans des institutions où les religieuses étaient cloîtrées. Avant d'enter chez les Ursulines, sœur Prince a fréquenté l'École normale de Mérici dirigée par les Ursulines. Ce cours, d'une durée minimum de deux ans, était un cours de formation à l'enseignement. À l’époque où sœur Prince est entrée en communauté, plusieurs des novices chez les Ursulines ont préalablement complété un diplôme à cette école. Pour devenir ursuline, la jeune fille devait passer deux étapes durant lesquelles elle apprenait à devenir religieuse et était initiée à l'enseignement. La première étape, d'une durée de six mois, est le postulat. Dès lors, la postulante était amenée à enseigner quelques heures par jour. La seconde étape était le noviciat et s'étendait sur deux ans. De manière générale, la première année était consacrée à l’étude de la vie religieuse et la deuxième à l’apprentissage de l’enseignement. Durant cette période, les novices étaient amenées à lire l’histoire des Ursulines et les écrits de Marie de l’Incarnation dans lesquels sœur Prince a trouvé « tout plein d’indices et de bonnes références sur la question de l’éducation ». Les postulantes et novices apprenaient alors à enseigner surtout par la pratique et par le contact avec les religieuses enseignantes. Sœur Prince affirme que « la pédagogie était insérée dans les faits de vie et que ce n’était pas une pédagogie théorique mais appliquée ».

Localisation

Municipalité: Québec
Région administrative: 03 Capitale-Nationale
MRC: Communauté métropolitaine de Québec
Lieu: Monastère des Ursulines de Québec, 18, rue Donnaconna, Québec, G1R 4M5
Téléphone: 418 692-2523
Site Web: http://www.museedesursulines.com

Source

Sœur Suzanne Prince, o.s.u.
Titre, rôle et fonction : Retraitée de l'enseignement
Lien avec la pratique : En 1933, à l’âge de 15 ans, elle débute un cours d’enseignante à l’École normale de Mérici. Ensuite, elle retourne dans sa région natale où elle y enseigne durant trois ans. Cette expérience lui permet d’être certaine qu’elle a les aptitudes nécessaires à l'enseignement. Ayant du goût pour la vie religieuse, Suzanne Prince entre au postulat des Ursulines de Québec en 1941, à l’âge de 23 ans. Elle choisit les Ursulines, car la mission de la communauté rejoint son goût pour l’enseignement. Après avoir terminé son noviciat, elle est nommée à l’École normale de Mérici. Elle y reste 50 ans, c'est-à-dire jusqu’en 1993. Durant cette période, elle est responsable des pensionnaires, enseignante et directrice. Elle suit aussi des cours par correspondance du baccalauréat ès arts de l’Université d’Ottawa. Au cours de cette période, sœur Prince fait son cours classique et poursuit ses études à l’Université d’Ottawa, et ce, jusqu’au doctorat.

Enquêteur : Catherine Lavallée
Date d'entrevue : 28 novembre 2007


Partenaires

La réalisation de l’Inventaire du patrimoine immatériel religieux a été rendue possible grâce à l’appui de six partenaires: