Récit de pratique culturelle

La fabrication des petits pains de la Sainte-Geneviève

Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Québec
Paroisse, congrégation ou équivalent: Notre-Dame-de-Québec (Québec)

Classé sous Pratique religieuse (9300), Pratique rituelle (9320), Rite de sollicitation (9325)
et sous Organisation religieuse (9200), Temps religieux (9280), Fête calendaire (9281).

Historique général


Petits pains à ensacher
© IPIR 2009 - soumis à copyright

À l’occasion du siège de Paris par les Huns conduits par Attila, en 451, sainte Geneviève passe à l’action en tentant de combattre la famine. Elle fait transporter par bateaux du blé qui servira à la fabrication des pains pour la population. Ces pains sont vendus aux riches, mais distribués gratuitement aux pauvres. Voilà l’origine des « petits pains » de la Sainte-Geneviève, fête calendaire célébrée dans l’Église catholique partout dans le monde.
En Nouvelle-France, la fabrication des petits pains de la Sainte-Geneviève a commencé en 1723, soit au moment où la famine frappait la ville. Dans l’actuelle église Notre-Dame-des-Victoires, érigée en 1688 sur la place de l’habitation de Champlain, la volonté de fabriquer des petits pains s’est installée. Depuis, tous les 3 janvier, une fête est célébrée dans la ville de Québec.
Au fil du temps, cette pratique a connu des changements importants : au tout début, les petits pains de la Sainte-Geneviève étaient apportés par les paroissiens eux-mêmes ou fabriqués sur place par les bénévoles de la paroisse Notre-Dame-des-Victoires. Chaque bénévole pétrissait sa pâte et s’occupait de la fabrication des petits pains.
De nos jours, la pâte est fabriquée dans une boulangerie. Elle est conservée dans des congélateurs pour être ensuite utilisée pour la fabrication des petits pains. À l’époque, on utilisait des dés à coudre pour modeler les petits pains. Maintenant, ils sont découpés à l’aide d’emporte-pièces en métal. Au Québec, la tradition prend son essor surtout à la fin du XIXe siècle. Elle est présente jusqu’en 1975.

Description


Petits pains ensachés
© IPIR 2009 - soumis à copyright

Depuis 1723, la fabrication des petits pains de la Sainte-Geneviève constitue une activité communautaire, particulière aux bénévoles de l’église Notre-Dame-des-Victoires de la ville de Québec. Pratique unique au Québec, sinon au Canada, la fabrication des petits pains de la Sainte-Geneviève suppose, chaque année, une participation soutenue de plus de 50 bénévoles, ceux-ci étant principalement des personnes âgées. Aujourd'hui, il se fabrique environ 200 000 petits pains, qui sont bénis tous les 3 janvier par le curé de la paroisse.
La préparation de ces petits pains a lieu chaque année au sous-sol de l’église Notre-Dame-des-Victoires. Il y a là une grande salle équipée de tous les outils nécessaires : de grandes tables, un congélateur, un poêle à convection, des plaques en tôle, etc. La fabrication se déroule en deux étapes. Ces étapes sont d'abord annoncées, puis les bénévoles se rassemblent deux fois durant l'année afin d'effectuer la préparation et la fabrication à la main des petits pains. Pour les deux étapes, 70 kilogrammes de farine sont nécessaires. La pâte est préalablement préparée dans une boulangerie et préservée dans le congélateur. La pâte ne doit contenir que peu d'air et de sel pour éviter que les petits pains soit friables.
Trois jours avant la fabrication des petits pains, la pâte est sortie du congélateur en vue de sa décongélation, sous la surveillance d’une préposée aux abaisses. C'est sur une table prévue à cet effet que les abaisses sont déposées et utilisées par chacun des bénévoles afin de préparer les petits pains.Après les avoir découpés à l’aide d'emporte-pièces, les pains sont cuits au four sur des plaques de tôle, pendant au total huit minutes. Pendant les cinq premières minutes, on fait « danser » les pains, afin qu'ils tournent. Ensuite, durant les dernières trois minutes, on laisse les pains dorer. Finalement, on laisse sécher les petits pains de trois à six semaines sur des treillis et, durant cette période, des personnes responsables passent les « brasser » chaque jour pour ne pas qu'ils moisissent. Lorsqu'ils sont bien séchés, les pains sont ensachés deux par deux et ils sont placés dans de grandes corbeilles, dans lesquelles ils seront bénis.
La bénédiction des petits pains a lieu tous les 3 janvier, à l’occasion de la messe dédiée à sainte Geneviève. Au début de la messe, le célébrant est accompagné de deux personnes portant deux plateaux d’encens. On salue ensuite la statue de sainte Geneviève et on célèbre la messe. Après l’homélie, une personne désignée s’avance pour demander au célébrant de bénir les corbeilles placées devant l'autel et contenant les petits pains. Le célébrant s’avance avec le bénitier et glorifie les petits pains. Quatre personnes choisies parmi les participants offrent des petits pains de la Sainte-Geneviève à tout le monde. Après la cérémonie, on offre un goûter aux personnes n'habitant pas la province de Québec pour leur permettre de déguster ces pains uniques au Québec. Certains participants distribuent de grandes quantités de petits pains dans les communautés éloignées. En échange d’un petit don, les gens d'un peu partout au Canada, des États-Unis ou de l'Europe peuvent se procurer des petites pains qui leur sont envoyés par la poste.

Les petits pains de la Sainte-Geneviève symbolisent le partage des ressources avec son prochain, avec les plus démunis. Les petits pains sont ensachés deux par deux afin qu'un pain soit conservé et que l'autre soit donné à une personne qu'on aime pour qu'elle ne manque de rien durant l'année. Ainsi, on s'assure d'avoir la protection de sainte Geneviève contre la famine durant des périodes difficiles. À partir des années 1990, la signification des petits pains a partiellement changé. Aujourd'hui, on considère ceux-ci comme « des pains du partage » servant à partager non seulement des ressources alimentaires, mais également de l’amitié, de l’amour et d’autres valeurs spirituelles.

Apprentissage et transmission


Petits pains à emporter
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La tradition de la fabrication des petits pains de Sainte-Geneviève se situe au carrefour de la réalité historique du VIe siècle français, de la légende hagiographique de sainte Geneviève et de l’évolution du milieu catholique de la Nouvelle-France. Ainsi, d’une génération à une autre, la tradition se transmet de manière orale ou écrite par les bénévoles de l’église Notre-Dame-des-Victoires de Québec, de même que par leurs nombreux gestes et savoir-faire afférents.

Localisation

Municipalité: Québec
Région administrative: 03 Capitale-Nationale
MRC: Joliette
Lieu: Église Notre-Dame-des-Victoires, 32, rue Sous-le-Fort, Place Royale, Québec, Québec, G1K 4G7
Téléphone: 418-692-1650
Télécopieur: 418-692-1650

Source

Geneviève Roy
Titre, rôle et fonction : Elle est bénévole à l'église Notre-Dame-des-Victoires.
Lien avec la pratique : Geneviève Roy est responsable de la fabrication des petits pains de la Sainte-Geneviève.

Enquêteurs : Maude Redmond, Imre Nogradi
Date d'entrevue : 4 décembre 2009


Partenaires

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