Récit de pratique culturelle

L'œuvre des Sœurs du Bon-Pasteur auprès des mères célibataires à Québec

Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Québec
Communauté religieuse: Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

Classé sous Organisation religieuse (9200), Mission (9260), Oeuvre (9262).

Historique général


L'Hospice de la Miséricorde, rue Couillard
© Archives des Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

Au début du XIXe siècle, Québec est une ville portuaire importante qui compte son lot de misère et de débauche. Pourtant, l'intolérance de la société est grande envers les fruits de ce désordre. « Filles-mères » et « enfants illégitimes » sont blâmés pour leur état et laissés à eux-mêmes. Rejetées, les mères célibataires en sont souvent réduites à accoucher à la prison ou à l'Hôpital de la Marine.


Face à cette situation, l'abbé Joseph Auclair, curé de la paroisse Notre-Dame-de-Québec, et Monseigneur Pierre-Flavien Turgeon louent, en 1852, une maison du faubourg Saint-Jean afin d'y accueillir les mères célibataires. Ne disposant que de peu de ressources, l'Hospice Saint-Joseph de la Maternité de Québec, confié à Mlle Marie Métivier, ne peut toutefois admettre qu'un nombre restreint de femmes. L'Hospice Saint-Joseph ne suffisant pas à la demande, deux médecins de Québec sollicitent l'aide des Sœurs du Bon-Pasteur de Québec. Elles fondent ainsi, en 1874, la Maison de la Miséricorde, laquelle est attenante à la maternité tenue par Mlle Métivier. Deux ans plus tard, les deux maternités fusionnent pour donner naissance à l’Hospice de la Miséricorde, où sont accueillies des femmes sans distinction de rang, de religion ou de nationalité. Des travaux d'agrandissement et l'ouverture d'une crèche à proximité contribuent au développement de l'œuvre du Bon-Pasteur. En 1929, la Crèche Saint-Vincent-de-Paul, installée sur le chemin Sainte-Foy, se dote d'une aile pour la maternité, laquelle prendra dès lors le titre d'Hôpital de la Miséricorde. Cette relocalisation dans des locaux plus spacieux et dotés d'équipements modernes améliore grandement les conditions des mères célibataires. À partir de 1945, une travailleuse sociale verra à leur réhabilitation personnelle et sociale.


Suite à l’adoption du régime provincial d'assurance-hospitalisation en 1961, l'Hôpital de la Miséricorde devient un hôpital général public et passe sous le contrôle de l'État. Cela forcera l'œuvre dédiée aux mères célibataires à se relocaliser au quatrième étage de la Crèche Saint-Vincent-de-Paul, dont les locaux avaient été laissés vacants par une baisse d'achalandage. On y aménage trois foyers de seize places pour l’accueil des mères célibataires. Ce département devient le Centre Marie-Médiatrice. Les bureaux du service social et les mères du foyer privé sont installés au rez-de-chaussée de l’Hôpital de la Miséricorde. En 1964, le manque d’espace, les nouvelles exigences du gouvernement provincial et la nécessité d’actualiser les modes d’intervention auprès des mères célibataires incitent les Sœurs du Bon-Pasteur à mettre en place un système d’hébergement dans des pavillons indépendants du complexe de la Crèche Saint-Vincent-de-Paul.


Ainsi, en juillet 1964, le foyer privé quitte l’Hôpital pour la Maison Madame-Roy, située sur la rue Murray, et, l’année suivante, le Centre Marie-Médiatrice emménage sur le chemin Sainte-Foy, puis est fusionné, en 1966, à la Sauvegarde de l’Enfance afin de constituer le Service social aux parents non mariés. La congrégation acquiert en 1967 la Maison Métivier, au coin de la rue des Braves et du chemin Sainte-Foy, et la transforme en un pavillon destiné à aider les mères célibataires adolescentes à poursuivre leur formation académique.


Suite à cette décentralisation, à l’entrée en vigueur des lois sur la santé et les services sociaux et à la remise en question de la pertinence du maintien de l’Hôpital de la Miséricorde, les Sœurs du Bon-Pasteur demandent l’incorporation de l’œuvre des mères célibataires. « La Clairière de Québec » est ainsi officiellement fondée le 24 août 1970. Sous le patronage des sœurs, la corporation est gérée par un conseil d’administration composé à la fois de religieuses et de représentants laïcs. L'un des premiers objectifs de La Clairière sera de poursuivre la décentralisation des services afin d’offrir aux mères célibataires un milieu convivial. Selon sœur Marcelle Charland, le système d’hébergement pavillonnaire adopté offrait aux femmes un climat plus humain, plus familial, dans lequel les mères bénéficiaient de plus de liberté et de services adaptés à leur situation. Afin de répondre à sa première préoccupation, La Clairière reloge les mères célibataires du Centre Marie-Médiatrice dans deux établissements de type domiciliaire. Le Pavillon Angers, à Sillery, accueille les femmes de 18 à 25 ans, tandis que le Pavillon Germain, dans la paroisse du Très-Saint-Sacrement, vient en aide aux femmes de plus de 25 ans et devient le siège administratif de la corporation.


À partir de sa constitution, en 1970, La Clairière adapte ses services et ses programmes afin de répondre aux nouvelles réalités et besoins des mères célibataires. Avec ses pavillons Roy, Métivier, Angers et Germain, la corporation devient un organisme communautaire attaché à la réinsertion sociale de la femme enceinte non mariée. La Clairière étend ses services aux femmes en difficulté en 1981, puis aux enfants, en 1983. Les Sœurs du Bon-Pasteur se retirent de l’œuvre en 1994, l’organisme relevant dorénavant du ministère des Affaires sociales.

Description


Le personnel médical veillant aux bons soins d'une mère
© Archives des Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

Avant leur accueil dans des œuvres vouées à leur réhabilitation personnelle et sociale, les  mères célibataires étaient considérées comme des exclues, tenues seules responsables de leur situation, victimes de préjugés et souvent rejetées de leur famille. Contraintes de se séparer de leur enfant, elles accouchaient trop souvent dans des conditions difficiles, ne recevant que peu ou pas de soins pour elles et leurs nouveau-nés. Des établissements tels que l'Hospice de la Miséricorde apparaissent ainsi au XIXe siècle comme un milieu accueillant pour les mères célibataires, où elles peuvent recevoir soutien et compassion.


Guidées vers ce service, les mères célibataires de tous milieux étaient admises auprès des Sœurs du Bon-Pasteur et ce, peu importe le stade de leur grossesse. Aussi, entre 1947 et 1952, à la demande de l'Assistance maternelle de Québec et de l'Université Laval et en raison du taux élevé de mortalité chez les mères de familles indigentes, plus de 520 femmes mariées bénéficieront des services de l'Hôpital de la Miséricorde. Ainsi, de son ouverture en 1874 jusqu'à sa fermeture en 1972, 36 780 accouchements ont eu lieu à l'Hôpital.


Pour les religieuses, il importait que les femmes puissent bénéficier d'un climat calme, favorisant le repos du corps et de l'esprit. Les mères célibataires avaient accès aux services d'une travailleuse sociale, à partir de 1945, à des soins de santé particuliers répondant aux besoins de chacune et à des cours prénataux. Les récréations et les temps libres étaient consacrés à la lecture, à la correspondance ou aux ateliers de couture et de tricot. Afin de maintenir l'ordre et l'harmonie, les protégées étaient soumises à un règlement commun. Celles dont l'état le permettait offraient leur aide pour les travaux quotidiens et l'entretien de la maison. De plus, les femmes pouvaient bénéficier d'un support spirituel et étaient invitées à prier.


Les femmes accouchaient à l’hôpital ― à l’Hôpital de la Miséricorde jusqu'à sa fermeture en 1972, puis à l’Hôpital Saint-Sacrement ― et, selon le désir de la mère, le nouveau-né était conduit dès sa naissance à la Crèche Saint-Vincent-de-Paul. Les femmes bénéficiaient d'une convalescence dans les meilleures conditions.


Enfin, les mères célibataires étaient accueillies par les Sœurs du Bon-Pasteur sans être jugées. Pour les religieuses, il importait de respecter la situation de ces femmes et de faire preuve de discrétion, car elles étaient trop souvent victimes de préjugés ou rejetées par leur famille et la société. Par l'œuvre de soutien aux mères célibataires, les Sœurs du Bon-Pasteur se sont efforcées de créer un climat de paix propice au développement de ces femmes et de leurs enfants.

Apprentissage et transmission


Voile des ''privées'', ces jeunes filles qui arrivaient incognito à l'Hôpital de la Miséricorde
© IPIR 2011, soumis à copyright

Après la fermeture de l'Hôpital de la Miséricorde, l'œuvre auprès des mères célibataires a évolué avec la société. Les services se sont développés et adaptés aux femmes. En effet, entre 1972 et 1992, la proportion des mères célibataires gardant leur enfant plutôt que de le confier à l'adoption s'est complètement inversé. Les femmes qui décidaient de garder leur enfant ne retournaient pas dans leur famille mais plutôt dans leur pavillon d'accueil, où le suivi du rapport entre la mère, son enfant et parfois le père, était plus étroit.

Localisation

Municipalité: Québec
Région administrative: 03 Capitale-Nationale
Lieu: Musée Bon-Pasteur, 14, rue Couillard, Québec, G1R 3S9
Téléphone: 418-694-0243
Télécopieur: 418-694-6233
Site Web: http://www.soeursdubonpasteur.ca/

Source

Sœurs Marcelle Charland et Monique Gilbert
Titre, rôle et fonction : Sœur Marcelle Charland a occupé plusieurs postes administratifs. Elle a également travaillé dans des œuvres vouées aux orphelins, aux femmes sortant de prison, aux mères célibataires et aux personnes âgées, selon les besoins du temps et de la congrégation. Quant à sœur Monique Gilbert, elle a travaillé comme éducatrice auprès des mères célibataires.
Lien avec la pratique : Malgré ses fonctions administratives, sœur Marcelle Charland a toujours été en contact avec les œuvres où elle a travaillé avec ces clientèles, particulièrement avec les mères célibataires. Sœur Monique Gilbert a eu de nombreuses responsabilités auprès des mères célibataires.

Enquêteurs : Marie Renier, Valérie Vachon-Bellavance
Date d'entrevue : 31 octobre 2011


Partenaires

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