Récit de pratique culturelle

Les Sœurs du Bon-Pasteur de Québec et la prison des femmes

Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Québec
Communauté religieuse: Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

Classé sous Organisation religieuse (9200), Mission (9260), Oeuvre (9262).

Historique général


Le Refuge Notre-Dame-de-la-Merci, inauguré en 1931
© Archives des Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

Le travail des Sœurs du Bon-Pasteur auprès des détenues est intimement lié à l’histoire de la congrégation et à sa fondatrice. Ainsi, quelques semaines après son arrivée comme pensionnaire chez les Sœurs de la Charité, Marie-Josephte Fitzbach est sollicitée afin de prendre la direction d’une maison de réhabilitation réservée aux femmes sortant de prison. Le projet est une initiative de George Manly Muir, avocat et greffier du Journal de la Chambre s'assemblée, catholique militant et membre actif de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Le 31 décembre 1849, elle répond positivement à l’archevêque de Québec, Monseigneur Pierre-Flavien Turgeon. Quelques jours plus tard, le 11 janvier 1850, Marie-Josephte Fitzbach et Mary Keogh, une jeune Irlandaise, ouvrent l’Asile Sainte-Madeleine, un refuge consacré aux femmes sortant de prison.


À partir de 1867, deux religieuses vont enseigner le catéchisme aux femmes de l’institution carcérale située sur les Plaines d’Abraham, perpétuant ainsi l'action de leur fondatrice auprès des détenues. Leur apostolat est bientôt souligné par des personnages influents de Québec, lesquels sèment d’ailleurs l’idée de confier la direction de la prison à la congrégation.

Le 12 janvier 1921, Mère Saint-Eugène, supérieure générale de la congrégation, demande la direction de la prison des femmes au lieutenant-gouverneur, Sir Charles Fitzpatrick. S’en suivront des négociations entre le Bon-Pasteur et les autorités politiques, notamment à l’égard de la non-mixité de la nouvelle institution carcérale. Le 19 décembre 1928, le gouvernement du Québec autorise l’érection d’une prison dédiée exclusivement aux femmes à Sainte-Foy, aux abords de Québec.

L'établissement, construit deux ans plus tard, est inauguré le 24 octobre 1931. Les onze premières prisonnières font leur entrée le 23 décembre de la même année. Les Sœurs du Bon-Pasteur se voient confier la direction du Refuge Notre-Dame-de-la-Merci, ainsi nommé en mémoire de l’Ordre de la Merci, fondé au XIIIe siècle et voué au rachat des prisonniers capturés par les Maures. En 1968, à l’heure de la Révolution tranquille, la prison est renommée « Maison Gomin », en référence au docteur Anet Gomin, propriétaire du terrain au XVIIe siècle.

Les religieuses travaillent à la prison de 1931 à 1972, l’administration et la garde des détenues étant alors remises au ministère de la Justice. Une sœur demeure toutefois directrice de la prison jusqu’en 1981 et une autre, agente de la paix jusqu’à la fermeture de l'institution en 1992. Les détenues sont alors transférées dans une section du centre de détention d’Orsainville, au nord de Québec.

Description


Prisonnières à l'atelier d'artisanat, 1950
© Archives des Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

Le Refuge Notre-Dame-de-la-Merci pouvait accommoder une dizaine de religieuses, lesquelles avaient leurs propres quartiers dans la partie ouest de l’édifice, qu'elles occuperont jusqu’en 1972. Du côté est, trois sections distinctes, consacrées aux plus jeunes, aux détenues et aux prévenues, accueillent un maximum de vingt femmes. Souvent, la pauvreté et l’ignorance mènent les femmes à la délinquance. Certains délits, aujourd’hui considérés mineurs, menaient autrefois à l’incarcération : inconduite, blasphème, vagabondage, fugue, libre compagnonnage, etc.

Bien qu’aucun programme provincial de réhabilitation ne soit préconisé dans les institutions carcérales avant les années 1950, les religieuses offrent aux femmes différentes activités afin de les occuper et de les valoriser.  Les détenues participent, par exemple, à des ateliers de couture, de tricot, de moulage et de tissage. Pendant un certain temps, elles se consacrent également à la confection de chapelets. Leurs travaux, présentés à l’Exposition provinciale de Québec, sont d’ailleurs maintes fois primés. Quelques réalisations des détenues sont envoyées dans les pays de mission où œuvrent les Sœurs du Bon-Pasteur. Le travail des femmes trouve ainsi une autre forme d’utilité. Certaines poursuivent leur rééducation en travaillant à l’entretien ménager ou à la buanderie.

Dans les années 1960, le Refuge Notre-Dame-de-la-Merci se modernise, les Sœurs du Bon-Pasteur veillant à l’amélioration des conditions de vie des détenues. Ainsi, une sœur travaillant en service social fait son entrée à la prison. Les religieuses contribuent également à alléger les conditions de détention et le quotidien des femmes.

Les efforts déployés par les Sœurs du Bon-Pasteur pour la réhabilitation — avec notamment la mise en place d’ateliers et l’amélioration des conditions de vie — visaient à préparer les détenues à leur sortie de prison. Certaines étaient à même de présenter un certificat d’apprentissage à un employeur, d’autres ont réalisé d’importants progrès dans des matières telles le français et l’arithmétique, progrès qui représentent un acquis fondamental. Au moment de leur libération, les femmes étaient aidées dans la recherche d’un emploi et d’un logement, puis accompagnées par les religieuses. Longtemps, les sœurs ont réclamé des maisons de transition facilitant le retour à la liberté de ces femmes. Aujourd’hui, de tels services d’encadrement existent, entre autres, grâce à l’apport des communautés religieuses.

Apprentissage et transmission


La fermeture de la Maison Gomin telle qu'annoncée dans les journaux
© Archives des Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

Avec la fermeture de la Maison Gomin, en 1992, une page importante de l’histoire des Sœurs du Bon-Pasteur est tournée. Bien que la congrégation ne gère plus d’institutions de réhabilitation au Québec, elle continue à aider les femmes dans ses œuvres sociales encore actives. En accueillant les femmes sortant de prison, Marie-Josephte Fitzbach a certes engagé la congrégation dans un travail apostolique, mais a également teinté le charisme des religieuses d’amour, de bonté et de miséricorde, charisme qui se transmet encore aujourd’hui.

Localisation

Municipalité: Québec
Région administrative: 03 Capitale-Nationale
Lieu: Musée Bon-Pasteur, 14, rue Couillard, Québec, G1R 3S9
Téléphone: 418-694-0243
Télécopieur: 418-694-6233
Site Web: http://www.soeursdubonpasteur.ca/

Source

Sœur Marie Larivière
Titre, rôle et fonction : Après une carrière à la Crèche Saint-Vincent-de-Paul, sœur Marie Larivière est infirmière à la prison des femmes de Québec de 1966 à 1967. Elle y aura plusieurs contacts avec les prévenues, les gardant et les accompagnant lors des repas.
Lien avec la pratique : Bien que n'ayant travaillé qu'un an au Refuge Notre-Dame-de-la-Merci, sœur Marie Larivière dit avoir apprécié et appris de son expérience à la prison des femmes. L'année 1966-1967, où elle est en poste, verra naître de nouvelles politiques destinées à améliorer les conditions de vie de ces femmes.

Enquêteurs : Marie Renier, Valérie Vachon-Bellavance
Date d'entrevue : 24 octobre 2011


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