Récit de pratique culturelle

Les Sœurs du Bon-Pasteur de Québec et la Crèche Saint-Vincent-de-Paul

Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Québec
Communauté religieuse: Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

Classé sous Organisation religieuse (9200), Mission (9260), Oeuvre (9262).

Historique général


La salle des Saint-Anges, aménagée en 1901 à la Maison-Mère (PH-G-10, 22-01)
© Archives des Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

Dès le début du XIXe siècle, Québec accueille son lot de misère, de désordre et de pauvreté. Les mères célibataires, tenues responsables de leur situation et victimes de préjugés, sont trop souvent contraintes à se séparer de leur enfant dès la naissance. L’Hôtel-Dieu de Québec recueille les nouveau-nés illégitimes et s’occupe de les placer en foyer nourricier jusqu’en 1845. Le gouvernement cesse alors de subventionner le service et les enfants sont conduits vers Montréal, à l’Hôpital général ou à la crèche des Sœurs Grises.

L’absence de ressources dans la région de Québec pour les mères célibataires et leurs enfants incite l'abbé Joseph Auclair, curé de la paroisse Notre-Dame-de-Québec, et Monseigneur Pierre-Flavien Turgeon à fonder, en 1852, l'Hospice Saint-Joseph de la Maternité de Québec, qui sera confié à Mlle Marie Métivier. La demande étant supérieure aux places disponibles, on sollicite l'aide des Sœurs du Bon-Pasteur pour la fondation d'une seconde maternité.


Malgré le manque de moyens et l’hostilité du voisinage à l’égard du nouvel établissement, l’Œuvre de la Miséricorde, attenante à la maternité de Mlle Métivier, reçoit sa première parturiente le 8 septembre 1874. Le 18 mars 1875, les prêtres du Séminaire cèdent au Bon-Pasteur un terrain et ses bâtiments, rue Couillard, afin d’y asseoir l’œuvre. Les deux maternités sont fusionnées l’année suivante, devenant l’Hospice de la Miséricorde, géré par les religieuses.


Parallèlement, l’Hôtel-Dieu du Sacré-Cœur de Québec accueille les enfants laissés-pour-compte, mais la pauvreté impose des limites à l'hospitalité. En réponse aux demandes de Monseigneur Louis-Nazaire Bégin, le Bon-Pasteur fonde une crèche visant à accueillir les bébés nés à la Miséricorde. Le 2 septembre 1901, la congrégation accueille ses deux premiers nouveau-nés à la salle des Saints-Anges, aménagée à la Maison-mère. La même année, Mère Saint-Vincent-de-Paul, collaboratrice de Marie-Josephte Fitzbach à la fondation de la communauté, prend la direction de la crèche et travaille au soin des enfants. Après avoir logé à la Maison-mère, puis sur les rues des Remparts et Ferland, la crèche emménage sur le chemin Sainte-Foy et devient la Crèche Saint-Vincent-de-Paul, en l'honneur de la première directrice. Le 26 juillet 1908, 6 religieuses, 26 aides laïques et 125 bébés s'y installent. L’inauguration officielle de la Crèche Saint-Vincent-de-Paul aura lieu le 4 août suivant.


Un second agrandissement, en 1927, —le premier ayant été réalisé en 1916— assurera le développement et l’expansion de la Crèche, en plus de confirmer sa mission. La nouvelle construction permettra aussi d'accueillir la maternité, qui portera désormais le nom d'Hôpital de la Miséricorde, dans une aile spacieuse et moderne attenante à la crèche. L’établissement devient ainsi l’unique institution d’assistance publique reconnue à Québec vouée à l’accueil des mères célibataires et de leurs enfants. Le 4 octobre 1929, 654 enfants sont hébergés à la Crèche Saint-Vincent-de-Paul. Le service des placements, inauguré en 1908, connaîtra un important développement avec la nomination au poste de directeur de l’abbé Victorin Germain. De 1930 à 1940, 3411 enfants sont adoptés par le biais de ce service.

Afin d’offrir un environnement favorable aux enfants n’ayant pas eu la chance d’être adoptés, la congrégation ouvre, en 1925, l’Hospice des Saint-Anges, à Lyster. Elle met également sur pied, en 1948, la Maternelle Marie-au-Temple, à Neuville, école spécialisée à l’intention des enfants présentant un retard de développement.


En avril 1948, la Crèche fait un autre pas vers le progrès en fondant sa propre École de Puériculture afin de former un personnel spécialisé au soin des enfants. Bien que les aides laïques aient fourni un travail précieux et indispensable depuis l'ouverture de la Crèche, l'arrivée des puéricultrices, étudiantes et diplômées, y fait considérablement baisser le taux de mortalité infantile, lequel passe de 30% en 1930 à 0,8% en 1970. En 1953, face au succès du programme de puériculture, on fait construire une nouvelle aile à la Crèche pour y loger l'école et une nouvelle chapelle. L'École de Puériculture fermera toutefois ses portes en 1971 en raison de l'intégration de cette discipline dans les Cégeps.


Les bouleversements politiques et sociaux des années 1960 auront des conséquences sur l’avenir de la Crèche Saint-Vincent-de-Paul et de l'Hôpital de la Miséricorde, la libéralisation et la tolérance incitant de plus en plus de mères célibataires à garder leurs enfants. Le placement en foyers nourriciers, suite à une série de grèves dans les milieux hospitaliers en 1970, sonne le glas de la Crèche puisqu'un grand nombre d’enfants seront adoptés par les foyers les ayant reçus. Le 27 décembre 1972, le départ des derniers enfants hébergés à la Crèche marque la fermeture de l’institution. Quant aux annexes de la Crèche, à savoir l’Hospice des Saint-Anges et la Maternelle Marie-au-Temple, leurs activités vouées aux enfants cessent respectivement en 1962 et 1968.


Depuis sa fondation en 1901 jusqu'à sa fermeture en 1972, la Crèche Saint-Vincent-de-Paul aura accueilli 38 672 enfants et facilité 26 276 adoptions. Fidèles à leur fondatrice et à leur mission, les Sœurs du Bon-Pasteur et le personnel de la Crèche se sont dévoués au service de l’enfant pendant plus de soixante-dix ans à Québec.

Description


Soeur Albertine Boucher au temps de ses études en puériculture, 1953
© Archives des Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

La Crèche Saint-Vincent-de-Paul comptait quatre départements, partagés en autant de niveaux. Les enfants étaient gardés au premier étage de leur naissance à l’âge de trois ou quatre mois puis étaient transférés au deuxième étage, où logeaient les bébés de quatre à dix mois. Le troisième étage hébergeait les « grands », âgés de dix mois à deux ans. Les plus âgés habitaient le rez-de-chaussée, ce qui leur offrait la possibilité de sortir fréquemment et de profiter de la cour et du parc.


En avril 1953, au moment du départ de sœur Albertine Boucher de la Crèche, l’établissement logeait 810 bébés. D’abord considérable, compte tenu du nombre d’enfants sur qui veiller, la tâche des religieuses et des aides laïques a toutefois été allégée suite à la fondation, en 1948, de l’École de Puériculture. Dès lors, des étudiantes ou des graduées assistaient les religieuses et avaient des enfants à leur charge. Chaque étage étant séparé en dortoirs de treize lits, chaque religieuse et chaque puéricultrice avait à sa charge treize enfants. Au 2e étage, une graduée en puériculture s’occupait, quant à elle, d’une section de trois dortoirs. Ainsi, en plus des religieuses, le personnel de la crèche était composé d'étudiantes en puériculture, de puéricultrices diplômées, d'infirmières, de médecins et d'aides. Plusieurs services essentiels étaient aussi présents à la Crèche, notamment la cuisine, la buanderie, la lingerie, les ateliers et la biberonnerie.

Apprentissage et transmission


Puéricultrice veillant sur les enfants, 1955
© Archives des Soeurs du Bon-Pasteur de Québec

Dès la fondation de la Crèche, en 1901, les religieuses ainsi que le personnel de l’institution se sont voués à l’accueil des enfants illégitimes, faisant preuve d’abnégation et offrant leur dévouement. Par leurs gestes maternels, leur présence, leur amour et leur don de soi, les Sœurs du Bon-Pasteur de Québec ont offert un environnement favorable au développement physique et moral des enfants. En mettant sur pied une institution d’assistance publique reconnue telle que la Crèche Saint-Vincent-de-Paul, les religieuses se sont certes vouées au secours des enfants, mais ont également participé au legs d’un héritage social important.

Localisation

Municipalité: Québec
Région administrative: 03 Capitale-Nationale
Lieu: Musée Bon-Pasteur, 14, rue Couillard, Québec, G1R 3S9
Téléphone: 418-694-0243
Télécopieur: 418-694-6233
Site Web: http://www.soeursdubonpasteur.ca/

Source

Sœurs Gilberte Dubé et Albertine Boucher
Titre, rôle et fonction : Détentrice d’un cours de l’École de Puériculture, puis de l’Hôtel-Dieu de Québec, sœur Gilberte Dubé est infirmière de formation. Sœur Albertine Boucher a elle aussi complété une formation à l’École de Puériculture, puis une formation d’infirmière.
Lien avec la pratique : Sœur Gilberte Dubé a occupé un poste d’infirmière pendant cinq ans à la Crèche Saint-Vincent-de-Paul. Elle aura travaillé plus de trente ans auprès des jeunes enfants, en maternité et en pouponnière. Ayant consacré une partie de sa carrière au milieu hospitalier, sœur Albertine Boucher a travaillé comme infirmière quatre ans à la Crèche, deux ans en tant qu’étudiante puis deux ans en tant que religieuse. Elle y a également occupé un poste d’adjointe à la responsable. Elle s’est principalement consacré aux nouveau-nés jusqu’à quatre mois, puis aux enfants âgées de dix mois à deux ans.

Enquêteurs : Marie Renier, Valérie Vachon-Bellavance
Date d'entrevue : 31 octobre 2011, 24 octobre 2011


Partenaires

La réalisation de l’Inventaire du patrimoine immatériel religieux a été rendue possible grâce à l’appui de six partenaires: