Récit de pratique liée à un savoir-faire

La fromagerie de l'Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac

Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Diocèse, association ou regroupement: Diocèse de Sherbrooke
Communauté religieuse: Bénédictins de la congrégation de Solesmes

Classé sous Organisation religieuse (9200), Communauté (9240), Pratique technique et artistique (9245)
et sous Organisation religieuse (9200), Communauté (9240), Pratique alimentaire (9244).

Historique général


Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac
© IPIR 2009, soumis à copyright

En 1912, les premiers moines bénédictins s’installent à Saint-Benoît-du-Lac. Ils viennent de l’Abbaye de Saint-Wandrille en France, abbaye fondée en 1894. C’est une loi civile anticléricale de 1901, interdisant la vie monastique en France, qui les oblige à s’installer au Québec pour assurer leur avenir. Les moines connaissent des débuts difficiles; avec une main-d’œuvre limitée, ils doivent apprivoiser un nouveau pays et s’organiser matériellement. Le monastère tire d’abord ses revenus de l’exploitation de sa ferme. D’autres activités telles que la vente de lait, de beurre, de viande et de bois de chauffage ainsi que l’exploitation d’un jardin potager et d’un poulailler sont graduellement développées.


C’est sous le priorat de dom Léonce Crenier, de 1931 à 1944, que l’œuvre monastique croît à tous les points de vue et s’assure un bel avenir. Parmi ses réalisations, notons l’aménagement d’un verger et la mise sur pied de la fromagerie en 1943, qui deviendra la principale industrie de l’Abbaye.


Les moines fabriquaient le fromage Bleu Ermite. Aujourd'hui, ils fabriquent une variété de produits, dont quelques 14 fromages. L'idée de fabriquer du fromage était, pour les moines bénédictins, une façon de gagner leur vie en s'assurant une source de revenus. Les moines tiennent à vivre des fruits de leur travail. Principal revenu des moines de l’abbaye, la fromagerie a permis au monastère de se développer.


La production était autrefois artisanale, tant pour les quantités que pour les instruments de travail utilisés. Le lait provenait des agriculteurs des environs et les moines allaient le chercher directement à la ferme. Ils utilisaient des bassins de 2000 livres de lait (près de 1000 L). Le brassage et la mise en moule se faisaient manuellement. La seule machine servait au piquage du fromage, technique qui permet la circulation de l'air afin de favoriser le développement de la moisissure. Le fromage était ensuite entreposé dans une cave à dix ou onze degrés Celsius pendant environ cinq semaines. Par la suite, il était réfrigéré. 


La modernisation s'est faite graduellement à partir des années 1970-80, car les normes ont progressivement évoluées. D’ailleurs, dans les années 1980, le père Dominique Minier, directeur de la fromagerie, a fortement contribué à la modernisation de l'entreprise en stabilisant la recette et la production de certains fromages ainsi qu’en développant de nouveaux produits. La modernisation de l'usine était nécessaire pour respecter les standards d'hygiène et de qualité exigés par l’Agence canadienne d’alimentation ainsi que pour répondre à la demande grandissante pour les produits de l'Abbaye. 


Depuis les années 2000, plusieurs étapes de la fabrication ont été automatisées. Les agitations et les températures sont contrôlées par un système d'ordinateur précis pour une qualité constante du fromage. Pour ce qui est de l'affinage et du saumurage, les étapes n'ont pas vraiment changé. Plutôt que d'affiner le fromage sur des planches de bois, c'est sur de l’acier inoxydable que l'opération s'effectue afin d'éviter les contaminations. Ces transformations et la mécanisation n'ont pas affecté le goût du bleu ou des autres fromages, puisque c'est plutôt le vieillissement qui influence le goût.

Description


Les fromages de l'Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac
© IPIR 2009, soumis à copyright

Le but des moines bénédictins en installant une fromagerie était d'assurer leur subsistance et ils tiennent à ce que cet objectif soit respecté. La production de la fromagerie est en croissance régulière depuis une dizaine d'années, notamment à cause de la popularité grandissante des fromages fins au Québec, cependant les moines ne souhaitent pas trop augmenter la production afin de ne pas en venir à produire le fromage de façon industrielle. 


Le travail des moines de Saint-Benoît-du-Lac a une grande valeur patrimoniale en tant que témoignage d’un modèle économique bénédictin. L’Abbaye est une entité autogérée par les moines et les différentes activités lucratives, particulièrement la fromagerie, suffisent aux besoins de la communauté. Ces revenus permettent aux moines de vivre relativement à l’écart du monde, de se conformer à la Règle de Saint-Benoît et de mener un train de vie particulier, partagé entre la prière et le travail. La fromagerie a également permis la croissance et le rayonnement de la communauté au Québec.


Il n'y a plus de frères qui travaillent à temps plein à la fromagerie, sauf quelque fois à l'administration ou pour aider à certaines tâches, alors qu'à l'origine le fromage était fabriqué exclusivement par les moines. Afin de satisfaire à la demande du marché, les moines ont dû engager des employés pour accomplir certaines opérations. En 2010, la fromagerie employait une dizaine d'employés.


Le premier fromage, le Bleu Ermite, était exporté aux États-Unis. Aujourd'hui, leur marché est au Québec. La fromagerie de l'abbaye a gagné plusieurs prix pour le bleu et ils sont en nomination chaque année pour le Prix Caseus. Les fromages de l’Abbaye sont les précurseurs des fromages fins du Québec et sont des produits du terroir reconnus. Les saveurs de certains fromages et leurs méthodes de fabrication, incluant les bactéries développées, sont uniques à la fromagerie de l’Abbaye 


En plus d'être vendus dans les épiceries partout au Québec, les fromages peut-être achetés directement à l'Abbaye.

Apprentissage et transmission


Le fromage «Le Moine» de la fromagerie de l'Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac
© IPIR 2009, soumis à copyright

Le premier fromager de l'Abbaye aurait appris la fabrication du fromage bleu auprès d'un Danois. Il lui aurait transmis la technique et aidé à la création de la recette du Bleu Ermite. Lorsque la fabrication du fromage était artisanale, le savoir-faire fromager se transmettait d'un moine à l'autre.
Les employés ont, pour la plupart, appris sur place avec les anciens, ou de maître à apprenti. Le maître fromager, toutefois, a une formation spécialisée de l'Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe.

Localisation

Municipalité: Saint-Benoît-du-Lac
Région administrative: 05 Estrie
Lieu: Fromagerie de l'Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac, 1 rue Principale, Saint-Benoît-du-Lac , J0B 2M0
Téléphone: 819-843-4336
Télécopieur: 819-843-3199
Site Web: http://www.st-benoit-du-lac.com/fromages/fromagerie.html

Source

Père Dominique Minier et frère Pierre Loubier
Titre, rôle et fonction : Père Dominique Minier est l’ancien directeur de la fromagerie. Il a développé et stabilisé la méthode de fabrication de plusieurs fromages et a contribué à l'automatisation de l'entreprise. Frère Pierre Loubier administre la fromagerie. Il fait le lien entre la fromagerie, le monastère et le monde extérieur.

Enquêteurs : Cécile Pierre, Rémi Chhem
Date d'entrevue : 7 novembre 2009


Partenaires

La réalisation de l’Inventaire du patrimoine immatériel religieux a été rendue possible grâce à l’appui de six partenaires: