Récit de vie

Porter la tradition humaniste jésuite et enseigner l'histoire religieuse, ici et en mission

Tradition: Christianisme
Appartenance: Catholicisme (rite latin)
Communauté religieuse: Jésuites (Compagnie de Jésus )

Classé sous Pratique religieuse (9300), Enseignement religieux (9360), Apostolat (9366)
et sous Organisation religieuse (9200), Personnel religieux (9230), Vocation/forme d'élection (9232).

Description


Le père Gilles Chaussé, S.J.
© IPIR, soumis à copyright

Gilles Chaussé est né à Montréal en 1931. Il est le dernier enfant d’une famille de quatre, qu’il a grandement appréciée, ayant particulièrement été choyé par ses deux sœurs aînées. Il a grandi dans un milieu croyant et pratiquant, mais sans insistance particulière, bien que son père et sa mère allaient à la messe tous les matins avant leur mariage; mais ils n'ont jamais exercé de pression siur leurs enfants pour qu'ils se comportent comme eux. Ses parents ne l'ont pas incité à se diriger vers la vie religieuse, même si, à cette époque (années 1930-50), la coutume voulant que l’on donne une fille ou une fils à Dieu était courante. En fait, le père Chaussé est devenu religieux un peu par hasard, selon ses dires.


Lorsqu’il entre au Collège Sainte-Marie, pour faire ses études secondaires, en 1944, il ne connaissait pas les Jésuites. Il choisit cet externat avant tout parce qu'il se trouvait au centre-ville de Montréal (à côté du Gesù) et qu'il était facile de s'y rendre et de revenir à la maison en prenant le tramway. Bien sûr, l'enseignement était dispensé par des jésuites, mais la clientèle était constituée d'élèves qui ne songeaient pas nécessairement à devenir des religieux. De plus, l'endroit avait acquis une réputation d'excellence où l'on désirait former une « élite » civile, qui ferait ensuite la promotion de la foi chrétienne et de la vie citoyenne responsable. « Les jésuites qui m'ont enseigné, de dire le père Chaussé, étaient vraiment des maîtres. Des gens de grande érudition. Que j'ai admirés. Pas uniquement pour le savoir qu'ils m'ont communiqué, mais aussi pour leur façon de juger la vie, de comprendre. » C'est ainsi que tout naturellement, à 21 ans, à la fin de son collège classique (un peu l'équivalent du secondaire et collégial d'aujourd'hui), où il avait étudié les éléments latins, la syntaxe, la méthode, la versification, les lettres, la rhétorique, ainsi que les deux niveaux de philosophie, il choisit d'entrer chez les Jésuites, en 1952.


Cette année-là, il se présente alors à la Maison Saint-Joseph-du-Sault-au-Récollet où il débute le noviciat de deux ans. Il y fait les « expériments ». « Cela sert à nous mettre un petit peu à l'épreuve, pour voir si on est vraiment fait pour cette vie-là », note-t-il. Son premier expériment, à peine trois semaines après l'entrée, a consisté en une grande retraite de 30 jours. Il fait alors les Exercices spirituelsde saint-Ignace de Loyola, qui comportent quatre étapes ou semaines. Dans ce premier expériment, l'aspirant jésuite découvre la spiritualité ignacienne et en fait l'apprentissage. D'autres expériments plus « terre-à-terre », selon l'expression du Père Chaussé, suivent le premier, comme le fait de travailler un mois à la cuisine du noviciat, dans son cas. Ensuite, durant un autre mois, il effectua du travail humanitaire à l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Il accompagnait des malades au terme de leur vie. En cela, il rejoignait la volonté du fondateur, Ignace de Loyola, pour qui le secours aux pauvres et aux malades était primordial. Son troisième expériment a été un pèlerinage. Il passa un autre mois sur la route avec un compagnon en suivant les indications données par le responsable du noviciat : « Nous avions quand même un horaire bien défini, dit-il, avec un carnet dont on ne pouvait ouvrir qu'un seul feuillet à la fois. » Ces feuillets les informaient sur leur itinéraire. Ils parcoururent ainsi à pied quelque 300 km, entre Nicolet et La Pocatière, s'arrêtant pour travailler et dormir dans des presbytères. Ils furent en marche durant tout le mois de mai, s'inspirant de la beauté des paysages le long du fleuve pour prier et méditer. Ainsi, le père Chaussé et son camarade suivaient virtuellement dans les traces du pèlerin qu'a été Ignace de Loyola. Ce genre de randonnée ne se fait plus de la même manière aujourd'hui. Quoique certains jésuites font tout de même des pèlerinages durant leur vie, comme celui de Compostelle, mais pas quand ils sont noviciat. Pour son quatrième expériment, il a enseigné hebdomadairement le catéchisme à des enfants de 1ère année, à qui il présentait Jésus et la foi chrétienne, en adaptant son discours pour la compréhension des petits. Cet enseignement s'est poursuivi durant plusieurs années, et même durant sa formation en théologie à l'université pour devenir prêtre, alors qu'il avait 30 ans. Nous sommes encore là dans la tradition des Compagnons de Jésus, inspirée du Christ, qui lui aussi aimait s'adresser aux enfants. « Notre fondateur, Ignace de Loyola, tenait beaucoup à cet expériment, parce que lui-même et ses sept compagnons, tout docteurs de la Sorbonne qu'ils étaient, ne manquaient aucune chance de parler aux enfants, aux illettrés. » Au terme des deux années que duraient ces expériments, l'on jugeait alors si l'on était apte à prononcer les premiers voeux (chasteté, pauvreté, obéissance), pour ensuite passer aux études. « Moi j'ai connu un noviciat de type classique, de mentionner le père Chaussé, que les novices d'aujourd'hui ne reconnaîtraient pas. Tout était chronométré depuis le lever jusqu'au coucher.2 » Sauf pour le jeudi qui était à cette époque la journée de congé hebdomadaire. Les novices en profitaient alors pour marcher ou faire du sport. « Mais toujours avec un compagnon. On ne pouvait pas partir seul », nous dit-il. Suivent, deux années de lettres où l'on refait des études de français, de latin, de grec, d'histoire, les « humanités », en fait. Mentionnons que tout au long de leur formation, les jésuites sont imprégnés par l'histoire de la Compagnie de Jésus, laquelle va de pair avec celle de la vie de saint Ignace de Loyola. Cependant on se forme aussi à d'autres matières autant scientifiques que littéraires. Le père Chaussé, lui, a été exempté des cours de grec. On lui permit de s'inscrire en histoire à l'Université de Montréal. Il considère avoir toujours eu un esprit plus scientifique, que littéraire. Alors, étudier l'histoire lui plaisait. « Si je n'étais pas entré chez les jésuites, je serais allé à Polytechnique », dit-il, ajoutant : « Cela me reposait un petit peu du latin et du grec, que je trouvais assez austères, en fait. » Suit la maîtrise en histoire, dont le mémoire portait sur le père Paul Lejeune et son action missionnaire à travers les Relations des jésuites3. Outre cette maîtrise, il a complété un baccalauréat en philosophie après deux années d'études en philosophie et une license en théologie au scolasticat jésuite de l'Immaculée-Conception de Montréal. Il obtint alors une licence canonique (l'équivalent d'une maîtrise dans le système actuel).


Il fut un temps où il y avait cinq collèges jésuites au Québec : trois à Montréal, un à Québec et un à Gaspé. En 1969, à 28 ans, cinq ans après avoir été ordonné prêtre, le père Chaussé commence à enseigner au niveau secondaire II, au Collège Jean de Brébeuf. Il enseigne la syntaxe durant deux ans. Pour ce faire il s'inspire grandement de ce qu'il avait appris dans le Ratio Studiorum, faisant de ce cours un forum « une sorte de scène théâtrale », où il y avait de la mobilité. Tous les samedis il consacrait une période à la parole, à l'acquisition de l'érudition, dans la tradition de la rhétorique du Ratio. Dans l'intervalle, il fait ses études théologiques et commence sa rédaction de sa thèse de doctorat en histoire (obtenu en 1973). Il reprend ensuite sa carrière de professeur au Collège Jean de Brébeuf où il enseigne au niveau collégial, l'histoire du Québec, du Canada, de la civilisation occidentale et les problèmes du Tiers-Monde. Il a beaucoup aimé cette période où il s'adressa à des jeunes qui avaient une belle capacité à réfléchir et à analyser. Il pouvait également profiter de l'actualité de l'époque pour discuter de façon contextuelle des problèmes présentés. Encore là, il cherche à créer une interaction avec eux, dans l'esprit du Ratio. « À mon sens, de considérer le père Chaussé, le métier d'enseignant est l'un des plus beaux métiers qui existe, parce qu'on est toujours en contact avec des jeunes qui sont pleins de vie, de projets. Alors c'est formidable ». Simultanément, il donnait un séminaire en sciences religieuses basé sur des lectures, qui alimentaient les discussions avec les étudiants. À cette époque, il enseignait également à titre de chargé de cours, au département d'histoire de l'Université de Sherbrooke, ainsi qu'à la Faculté de théologie de l'Université de Montréal et à celle de Trois-Rivières. En 1985, il devient finalement professeur d'histoire à temps plein à la Faculté de Théologie de l'Université de Montréal. À ce moment il est au début de la cinquantaine et a un bon bagage en enseignement. Il donne alors les cours d'histoire de l'Église du Québec et de l'Église universelle. « De très, très belles années », nous dit-il, avec les étudiants, femmes et hommes, venant de tous les horizons. En plus de cette tâche d'enseignement, le père Chaussé trouve le temps d'aller donner des cours « hors campus », à Joliette, Valleyfield et Saint-Jérôme. Il s'adressait le plus souvent à des enseignants adultes, venus parachever leurs études en sciences religieuses. Pour alléger les cours, le père Chaussé utilisait beaucoup les documents audio-visuels. Il prend sa retraite de l'Université de Montréal en 1995.


Puis en 1998, à l'âge de 69 ans, son provincial l'envoie enseigner en Haïti, au Centre Interinstitut de formation religieuse (CIFOR), une sorte de faculté universitaire de théologie, à titre de professeur d'histoire de l'Église universelle, il traitait des débuts de l'Église, jusqu'à nos jours. Cela a été « tout un défi » confie-t-il, sa spécialisation portant plutôt sur l'histoire de l'Église des XVIIIe, XIXe et XXe siècles. De plus, en 1969, le père Chaussé est nommé supérieur territorial d'Haïti. Il est alors responsable de 35 jésuites haïtiens, de la maison des jeunes jésuites - les régents -, et supervise des oeuves. Durant son séjour de sept ans l'on construira un noviciat, en 2001, étant donné que dans ce pays il y a une bonne relève. Ce noviciat qui a été construit sous la supervision du frère Rémi Laforest, a résisté au tremblement de terre de 2010. Les novices haïtiens, après avoir prononcé leurs voeux, vont aussi étudier dans des pays hispanophones d'Amérique latine. Tous parlent espagnol. Et les études théologiques, elles, se font à la faculté de théologie de l'Université Laval, à Québec. Mais à travers tout cela, de mentionner le père Chaussé, « on vise à leur donner une formation universitaire, tout en les sensibilisant aux problèmes de la société haïtienne ». Être près du peuple et répondre vraiment aux besoins de la population [...] et de l'Église, au moment opportun », ce qui correspond très bien à la philosophie d'Ignace de Loyola, le fondateur. Comme le rappelle père Chaussé, le fondateur voulait que la vie du jésuite en soit une d'action et, de ce fait, la vie communautaire, n'altère pas les tâches apostoliques des membres de la Compagnie de Jésus. Un jésuite doit toujours avoir « sa valise prête » pour un départ, mentionne-t-il.


Le père Gilles Chaussé, est assurément un admirable historien de l'histoire religieuse et sociale du Québec. Il a, toute sa vie, appris et transmis avec passion des connaissances, dans la tradition ignacienne. Il a su actualiser et adapter ses méthodes d'enseignement aux contextes dans lesquels il se trouvait. En patient et bon pédagogue, il est resté humble et accessible, malgré son érudition. Il a ainsi suivi le chemin tracé par Loyola, en accord avec le voeu d'humilité. À l'instar des ses maîtres jésuites, qu'il a admirés pour les savoirs qu'ils lui ont communiqués, mais aussi pour leur façon de juger la vie et de la comprendre, il a su à son tour transmettre des savoirs historiques. Mais, plus important encore, ce sont des valeurs humaines essentielles qu'il a transmis en paroles, mais aussi en actes, par son charisme, sa bienveillance, sa bonté, son humanisme, en fait. Il a, de plus, été un acteur important dans la mise en place de structures pour assurer une relève jésuite en Haïti en allant, entre autres, y fonder un noviciat pour perpétuer la tradition jésuite. D'ailleurs, ce noviciat procure toujours une relève importante aux jésuites. Il a de plus collaboré à l'accueil de réfugiés haïtiens en provenance de la République dominicaine.



Localisation

Municipalité: Richelieu
Région administrative: 16 Montérégie
Lieu: Résidence Notre-Dame-de-Richelieu , 460, 1ère rue , Richelieu, J3L 3W2
Téléphone: 450 658-8761, poste 250
Site Web: http://www.jesuites.org
Ressources:

1. Exercices spirituels : Jésuites de la Province de France, Les exercices spirituels de Saint-Ignace, s.l., 2012, [en ligne], http://www.jesuites.com/2011/10/les-exercices-spirituels-de-saint-ignace (Pages  consultées en mai et juin 2012)

Aussi : Loyola, Ignace De (traduit et commenté par Jean-Claude Guy). Exercices spirituels. Texte définitif (1548), Paris, Éditions du Seuil, 1982, 201 p.

L'on notera que cette formation aux exercices spirituels, qui remonte à plus de 400 ans, existe encore chez les Jésuites. De plus, dans certains centres de spiritualité, tel Manrèse à Québec, on la transmet autant à des laïques qu'à des membres d'autres communautés religieuses. Les participants peuvent ensuite appliquer ces enseignements dans leur vie individuelle ou publique.

2. Détails intéressants en ce qui concerne le noviciat du Père Chaussé :

Lever à 5 h 30, ensuite 6 heures moins cinq, c'était la visite à la chapelle; 6 heures : la méditation; sept heures moins dix, c'était la messe. Après [...] revue de méditation, petit déjeuner. [...] À 8 heures et quart, il y avait des travaux. À 9 heures nous allions à l'extérieur pour la marche, pour la lecture spirituelle d'une demi-heure, après quoi il y avait un cours : de latin, de français, suivi d'une conférence spirituelle, de méditations, du dîner. Après dîner, il y avait la récréation, le chapelet, et un temps libre. Un premier, quoiqu'à certains moments il y avait aussi des travaux. On avait une ferme, alors on allait travailler dans le champ et le reste [ferme Saint-Alphonse à Pointe-aux-Trembles]. Ensuite il y avait un cours de latin ou de français, une autre exhortation, une méditation à la chapelle, le souper. [Ensuite], les litanies, encore une petite lecture spirituelle, un examen de conscience, et à 9 h 05 on montait au dortoir – parce qu'on avait pas de chambre à l'époque – et à 9 h 20, les lumières s'éteignaient et le lendemain on recommençait.

3. Maitrise du père Chaussé : Le Père Paul Le Jeune, s. j., missionnaire-colonisateur. Publié dans : La Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 12, nos 1 et 2, 1958. Il est à noter qu'à cette époque la revue était dirigée par le chanoine Lionel Groulx, aussi fondateur (1947) et directeur (1947-1967).

Le père Chaussé a à son actif plusieurs publications, dont de nombreux articles dans diverses revues. religieuses pour la plupart. Son doctorat (1973), portait sur la vie et le temps du premier évêque de Montréal, Mgr Lartigue. Un condensé de 275 p. de sa thèse a été publié en 1980, aux éditions Fidès, sous le titre de Jean-Jacque Lartigue, premier évêque de Montréal.  

 


Source

Père Gilles Chaussé, S.J.
Titre, rôle et fonction : Père, théologien et historien. Enseignant en histoire (PhD), enseignement secondaire, collégial et universitaire), maintenant retraité. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'histoire des jésuites canadiens et haïtiens, ancienne et contemporaine. Il a, de plus, été supérieur des Jésuites en Haïti, responsable de l'implantation d'un juvénat et d'oeuvres éducatives et humanitaires dans ce pays, en plus de s'occuper des réfugiés haïtiens expulsé de la République dominicaine.

Enquêteurs : Philippe Dubois, Richard Lavoie
Date d'entrevue : 6 mars 2012

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